Oeuvres de madame Trazic pour les 3eme2 et 3ème4
Problématique : Comment la nourriture, source de plaisir, peut-elle devenir un laborieux combat inutile ?
1ère œuvre : extrait du chapitre 9 de Le livre de ma mère (1954) d'Albert Cohen (cf. 2nd fichier).
Petite biographie de l'auteur (pour vous aider) trouvée sur le site de Folio :
Albert Cohen, né en 1895 à Corfou (Grèce), a fait ses études secondaires à Marseille et ses études universitaires à Genève. Il a été attaché à la division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. Pendant la guerre, il a été à Londres le conseiller juridique du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, dont faisaient notamment partie la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. En cette qualité, il a été chargé de l'élaboration de l'accord international du 15 octobre 1946 relatif à la protection des réfugiés. Après la guerre, il a été directeur dans l'une des institutions spécialisées des Nations Unies. Albert Cohen a publié Solal en 1930, Mangeclous en 1938 et Le livre de ma mère en 1954. En 1968, le Grand Prix du roman de l’Académie française lui est décerné pour Belle du Seigneur. Albert Cohen est mort à Genève le 17 octobre 1981.
Albert Cohen, né en 1895 à Corfou (Grèce), a fait ses études secondaires à Marseille et ses études universitaires à Genève. Il a été attaché à la division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. Pendant la guerre, il a été à Londres le conseiller juridique du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, dont faisaient notamment partie la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. En cette qualité, il a été chargé de l'élaboration de l'accord international du 15 octobre 1946 relatif à la protection des réfugiés. Après la guerre, il a été directeur dans l'une des institutions spécialisées des Nations Unies. Albert Cohen a publié Solal en 1930, Mangeclous en 1938 et Le livre de ma mère en 1954. En 1968, le Grand Prix du roman de l’Académie française lui est décerné pour Belle du Seigneur. Albert Cohen est mort à Genève le 17 octobre 1981.
étude de l'extrait
Introduction :
I Le plaisir de la nourriture
II Un laborieux combat contre la nourriture
La mère de l'auteur veut que son fils soit fière d'elle et qu'il la trouve belle. Pour cela, elle entreprend des régimes pour paraître au mieux de sa forme. C'est un combat répétitif, perpétuel contre la nourriture. Sa source de plaisir devient un combat, une souffrance.
III Un combat finalement inutile
Le combat contre la nourriture est inutile car la mère est incapable de suivre un régime, cela ne fonctionne pas. Elle préfère le plaisir que lui procure la nourriture plutôt que la restriction.
- Présentation générale : Le livre de ma mère (1954) est une autobiographie. Albert Cohen y raconte son enfance et sa vie d'adulte à travers une succession de souvenirs. Chaque souvenir met en scène Albert Cohen et sa mère de sorte que l'auteur ne raconte pas uniquement sa vie mais aussi celle de sa mère. En racontant sa vie, Albert Cohen rend en fait hommage à sa mère décédée qui lui manque terriblement. C'est un hommage à sa mère et, de manière générale, à toutes les mères de ce monde.
- Mise en contexte de l'extrait : Albert a vécu une enfance fusionnelle avec sa mère. A 18 ans, il quitte le domicile familial à Marseille pour s'installer à Genève afin de suivre des cours à l'université. Désormais, chaque été, la mère de l'auteur se rend à Genève pour séjourner chez son fils. Juste avant notre extrait, la mère d'Albert Cohen vient d'arriver chez lui pour l'été. Elle est soucieuse de plaire, même physiquement, à son fils. C'est donc tout naturellement qu'il en vient, dans notre extrait, à évoquer le rapport de sa mère avec la nourriture.
- Problématique : Comment la nourriture, source de plaisir, peut-elle devenir un laborieux combat inutile ?
- Plan : I Le plaisir de la nourriture II Un laborieux combat contre la nourriture
III Un combat finalement inutile
I Le plaisir de la nourriture
- Notion de plaisir grâce à la nourriture : la mère ressent du plaisir lorsqu'elle mange et associe cet acte à une fête → champ lexical du plaisir et de la fête (bien fêter l.35, elle approuvait avec enthousiasme l.58, divertissons-nous l.63, elle mangeait de bon cœur et sans remords l.65/66, quelques petits plaisirs l.69)
- Bienfait de la nourriture : la mère considère la nourriture comme bienfaitrice, elle ne voit que les « qualités » de la nourriture. Ex : les beignets au miel fortifient l.37/38. Elle ne voit pas tout le sucre mauvais pour la santé que contiennent les beignets. Elle a une vision partiale de la nourriture.
II Un laborieux combat contre la nourriture
La mère de l'auteur veut que son fils soit fière d'elle et qu'il la trouve belle. Pour cela, elle entreprend des régimes pour paraître au mieux de sa forme. C'est un combat répétitif, perpétuel contre la nourriture. Sa source de plaisir devient un combat, une souffrance.
- Multitude des régimes, champ lexical du régime : un régime l.2, perdu plusieurs kilos l.5, maigrir l.9, une augmentation de poids l.29, son repas de régime l.44/45, sans manger l.53/54, ça fait grossir l.60/61
- 2 phrases antithétiques montrant la différence entre la volonté de faire un régime et la réalité des faits → régime = un vrai combat : l.14 à 18 Elle arrivait chez moi, fermement résolue à ne pas s'écarter désormais de son régime. Mais ce régime, elle l'enfreignait constamment sans s'en douter, les infractions étant toutes exceptionnelles quoique quotidiennes.
Les mots et expressions s'opposent pour marquer la différence entre la volonté et la réalité : fermement/constamment, ne pas s'écarter/ elle l'enfreignait, exceptionnelles/ quotidiennes.
La syntaxe de la phrase marque aussi cette opposition : emploi de la conjonction de coordination mais et de la conjonction de subordination quoique. - Le régime est une vraie souffrance : elle se condamnait à la famine pour maigrir l.7/8 → le verbe condamner et le nom famine renvoient à une idée de souffrance et même de mort.
- La mère doit trouver des excuses (qui ne tiennent pas la route) pour pouvoir manger, elle ne peut plus manger librement : le sucre n'engraisse pas l.26, Pour les plantureux repas, il y avait toujours de bonnes raisons l.32/33
- La mère doit toujours atténuer ce qu'elle veut manger pour avoir l'autorisation : Cette pâte d'amandes, ce n'est rien, mon fils, juste une bouchée de fourmi (…) juste un peu pour me passer l'envie. l.20/21/22/23
III Un combat finalement inutile
Le combat contre la nourriture est inutile car la mère est incapable de suivre un régime, cela ne fonctionne pas. Elle préfère le plaisir que lui procure la nourriture plutôt que la restriction.
- Phrases à la forme négative : Elle n'avait pas beaucoup de volonté l.1 , Elle ne savait pas suivre un régime l.2, elle ne perdait jamais autant de poids l.10
- Elle fait de nombreux écarts à son régime : Un jour, c'était parce qu'elle venait d'arriver à Genève (…). Un autre jour, parce qu'elle se sentait un peu fatiguée (…). (…) Une autre fois, parce que dans quelques jours elle partirait. l.34 à 44. Il y a toujours des occasions pour faire des entorses au régime (multiplicité des connecteurs temporels).
- Elle ne cesse de grossir : vocabulaire de l'accumulation → son embonpoint de cardiaque s'accentuait avec les années l.2/3 et grossissant sans cesse l.11
- Elle abandonne le régime, elle ne fait plus d'efforts pour être mince mais RÊVE seulement de l'être.
Elle aurait une tournure de mannequin l.52 (emploi du conditionnel présent, valeur d'irréel, même son fils n'y croit plus).
se forgeant tristement mille félicités de sveltesse l.54 (elle rêve de sveltesse et est triste en même temps car elle sait que c'est impossible, elle abandonne).
elle s'imaginait poétiquement maigrir sans cesse l.12 (le régime est devenu une rêverie, il n'est plus d'actualité).
Conclusion
La mère d'Albert Cohen a le désir de maigrir pour plaire à son fils. Elle entame un laborieux combat contre la nourriture qui lui apporte pourtant beaucoup de plaisir. Les régimes sont de vraies souffrances pour elle et les tentations trop grandes. Finalement, elle préfère renoncer et maigrir pour de faux dans ses rêves. Albert Cohen regrette sa mère et donnerait tout pour voir à nouveau sa mère manger copieusement.
2ème oeuvre : Comparaison entre Supermarket lady de Duane Hanson et « La grasse matinée »
extrait du recueil Paroles de Jacques Prévert
Problématique : comment, dans ces deux œuvres, la nourriture révèle les inégalités et permet une critique de la société ?
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------------Introduction------------
Présentation des deux œuvres :
Supermarket lady : œuvre réalisée par le sculpteur américain Duane Hanson, représentée en 1970 et exposée aujourd'hui à Aix-la-Chapelle (Allemagne). Oeuvre à taille humaine (166cm), le moulage a été effectué sur un modèle vivant. L'artiste a ensuite peint et rajouté des vêtements et accessoires. Représentation d'une femme américaine d'apparence négligée poussant un caddie rempli.
« La grasse matinée » : poème en vers libres de Jacques Prévert extrait du recueil Paroles (1946). Le poème raconte l'histoire d'un vagabond qui a faim, regarde en rêvant la nourriture dans les vitrines des magasins et en vient à tuer pour récolter un peu d'argent afin de se payer
un café et deux tartines beurrées.
- Problématique : comment, dans ces deux œuvres, la nourriture révèle les inégalités et permet une critique de la société ?
- Plan : I La nourriture en abondance et la dénonciation de la société de consommation à travers Supermarket lady
II La pénurie de nourriture et la dénonciation de la misère à travers « La grasse matinée »
Etude :
I La nourriture en abondance et la dénonciation de la société de consommation à travers Supermarket lady
- Description de l'oeuvre : une ménagère américaine négligée (en chaussons, avec des bigoudis et une cigarette à la bouche) poussant un caddie rempli. Oeuvre entrant dans le courant hyperréaliste (mouvement des années 1960 s'inspirant de la photographie et voulant montrer les choses telles qu'elles sont pour que le public puisse prendre du recul). La nourriture apparaît ici en abondance (l'embonpoint de la femme suggère une alimentation riche, le caddie déborde vers le haut et vers le bas et même le chien a droit à ses croquettes). La nourriture est représentée uniquement dans des emballages ou des boites de conserve, on ne retrouve aucun fruit et légume et aucune nourriture «fraîche ».
- Contexte de l'oeuvre : 1970 = période des Trente Glorieuses (croissance de l'économie, peu de chômage, augmentation du pouvoir d'achat et du confort avec l'automobile et l'électroménager notamment) et période de bouleversement du mode de vie (chute des petits commerces et apparition des grands centres commerciaux).
- Visée dénonciatrice de l'oeuvre : abondance de la nourriture mais apparition de la « mal bouffe » (exemple du Coca-Cola dans le caddie), apparition de la consommation de masse (on achète tous les mêmes produits comme des zombies → voir aspect négligé et regard vide de la ménagère américaine).
II La pénurie de nourriture et la dénonciation de la misère à travers « La grasse matinée »
- Poème : un homme qui a faim regarde avec envie les aliments présentés dans les vitrines et en vient à tuer pour récolter un peu d'argent afin de manger deux tartines beurrées. Ici, la nourriture n'est pas en abondance mais devient un besoin vital pour l'homme.
- Dénonciation de la misère : c'est l'histoire d'un homme qui a faim, on ne connaît pas son identité (v 4 : l'homme qui a faim v 12 : il s'en fout de sa tête l'homme). Cette histoire a donc une valeur générale, elle parle finalement de toutes les personnes dans cette situation pour dénoncer leur condition.
- Emploi du registre pathétique (qui inspire de la pitié chez le lecteur) pour émouvoir le lecteur et, ainsi, le rattacher à la cause qu'il dénonce :
→ répétition de l'adjectif « terrible » (Il est terrible v 1, il est terrible ce bruit v 3, elle est terrible aussi la tête de l'homme v 5)
→ répétition, insistance sur les 3 jours sans nourriture (v 24 au v 31 : et il compte sur ses doigts un deux trois/un deux trois/cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé/et il a beau se répéter depuis trois jours/.../trois jours/trois nuits).
→ le besoin de nourriture devient tellement vital qu'il en devient une obsession : abondance du champ lexical de la nourriture (café-crème, œuf dur, tête de veau...)
→ l'obsession se transforme peu à peu en folie : (il songe, il imagine, l'homme titube/et dans l'intérieur de sa tête/un brouillard de mots)
→ une fin tragique : l'homme tue pour une somme dérisoire et un « repas » misérable (un café-crème et deux tartines beurrées) - Dimensions dénonciatrice et polémique du poème : la misère pousse à l'horrible. Doit-on excuser le vagabond ? Doit-on le juger ? Que peut faire la société pour éviter cela ?
Conclusion :
- La nourriture révélatrice des inégalité : tout le monde n'est pas logé à la même enseigne et cela se voit à travers la nourriture → le rapport à la nourriture est un marqueur social
Supermarket lady : Nourriture en abondance
La grasse matinée : Ration insuffisante de nourriture pour vivre
- La nourriture permet ainsi une critique de la société :
Supermarket lady : Société de l'abondance, de la consommation démesurée et de la « mal bouffe »
La grasse matinée : Société où on laisse des gens mourir de faim, mauvaise redistribution des denrées alimentaires.
- Points communs entre les deux œuvres
- → il y a un rapport malheureux à la nourriture qu'elle soit en abondance ou en insuffisance. Supermarket lady : la femme a de quoi manger mais est en surpoids, négligée, a le regard vide et ne semble pas finalement heureuse.La grasse matinée : l'homme devient fou et meurtrier à cause du manque de nourriture.
- → actualité de ces deux œuvres datant pourtant de 1970 et 1946.